Pour réaliser de gros progrès à la salle, la technique d'exécution est primordiale. En dehors de l'aspect "sécurité", selon la manière dont vous réalisez un exercice, les retombées seront totalement différentes, et vous pourriez même passer à côté de votre objectif. Certains utilisent des formes trichées, d'autres ne jurent que par une technique extrêmement stricte... Quelle est la forme parfaite d'exécution?
I - La forme parfaite est un mythe:
Tout exercice dispose d'une forme stricte, voire même "académique".
Il s'agit de la version théorique d'un mouvement de musculation, qui dicte les principes mêmes du mouvement. Par exemple, une extension triceps à la poulie (comme sur la photo illustrant l'article) s'effectue buste droit, bras le long du corps, les coudes totalement fixes, où seul l'avant-bras bouge, afin de "mieux mobiliser le triceps".
De même, au curl barre, le bras est sensé ne pas s'élever en même temps que l'on fléchit le coude de façon à ne pas "tricher" en s'aidant du deltoïde.
Nous pourrions continuer en citant de cette façon les centaines d'exercices et variantes que compte la musculation, mais vous voyez l'idée.
Cette version "parfaite" du mouvement, aussi appelée "version stricte", est celle que l'on apprend aux débutants. Elle porte notamment le bénéfice suivant: le risque de blessure est vraiment amenuisé. Et cela est d'autant plus probable, que cette catégorie de sportifs ne connait pas encore son corps à 100%, s'en écarter peut donc l'amener à se faire mal en faisant un faux-mouvement autre part.
Cependant, si il est facile de disposer d'une technique d'exécution "parfaite" sur un exercice d'isolation, mono-articulaire, qu'en est-il sur un exercice plus complexe comme le rowing barre, le squat, voire même le très célèbre développé couché?
En lisant nos deux articles (ici et là), vous pourrez voir que de nombreux points sont encore discutés, voire inconnus du grand public concernant l'exécution d'un mouvement aussi populaire que le développé couché.
Ainsi, les consignes d'un développé strict seraient "ralenti la descente", "ne cambre pas", "ne laisse pas la barre rebondir sur ta cage thoracique", "contrôle ta charge". Certes, ce sont des points indiscutables qui améliorent la sécurité et les résultats du pratiquant, mais qui sont trop peu nombreux.
En effet, ils ne couvrent absolument pas les bases mêmes du mouvement, comme la fixation des omoplates, l'angle de poussée, la position de la tête... Qui elles sont extrêmement importantes pour la santé des épaules, parfois même plus que les indications "populaires".
De cette manière, 80% des gens qui paraissent avoir un développé couché "correct", voire même "strict" aux yeux de leurs camarades adoptent en fait une technique très éloignée de ce qui doit être fait, voire même horrible.
II - L'importance de la morphologie:
Un autre point à considérer est celui de la morphologie du pratiquant. Selon les proportions de vos os, ainsi que vos points forts musculaires, votre technique d'exécution sera affectée.
L'exemple du squat a été popularisé sur la toile par certains auteurs de renom, mais reste néanmoins l'un des exemples les plus pertinents. Tout simplement: quelqu'un avec de longues jambes et un buste relativement court squattera naturellement avec son buste davantage à l'horizontale que le commun des sportifs.
En effet, dans ce cas, il le fera tout simplement pour suivre son centre de gravité. Sa technique "parfaite" le mène donc naturellement à un aspect visuel (et donc des conséquences) différentes de ses camarades. Il prendra peut être davantage d'ischios et de fessiers au squat que son camarade, qui lui développera de gros quadriceps et mollets.
Cette même personne sera par exemple relativement inadaptée à un soulevé de terre en style conventionnel (pieds largeur d'épaules), car ses longues jambes vont l'empêcher d'avoir une bonne trajectoire de barre. S'il veut progresser davantage dans ce mouvement, et combler les désavantages de sa morphologie, il lui faudra alors s'adapter. Pour cela, il peut par exemple avoir recourt au soulevé de terre Sumo (jambes écartées). Ainsi, le fait d'écarter les jambes lui permettra de rapprocher la barre de son bassin.
De la même manière, votre morphologie dictera la grande majorité de vos points forts / points faibles, des mouvements qui vous donneront de bons résultats comme de ceux à éviter, et même vos blessures !
Là est la limite de la forme "parfaite": ce qui est la forme parfaite de l'un peut ne pas être réaliste pour un autre, au vu de sa morphologie.
III - La fatigue détériore la technique:
Dans le cas où vous pratiquez un mouvement "parfait", qui vous conviens, la fatigue va faire sa place.
Que cela soit sur les dernières répétitions d'une série, sur les dernières séries d'un exercice, ou sur les derniers exercices de votre séance, la fatigue accumulée va mettre votre technique d'exécution à l'épreuve.
En effet, en ayant une forme d'exécution académique, la fatigue va s'installer relativement rapidement. Tout simplement car votre corps, dans un réflexe vieux comme le monde, va essayer de compenser la perte de force d'un muscle en en activant un autre.
Or, si vous stoppez l'exercice dès que la moindre détérioration, aussi infime soit-elle, s'installe, vous n'aurez pas tant stimulé votre muscle que cela.
Prenons encore une fois l'exemple du curl barre, qui est simple et facile. Si vous arrêtez votre série dès que vous sentez que votre coude s'est avancé de, disons 5cm vers l'avant, vous remarquerez qu'il vous reste beaucoup d'énergie. A vrai dire, vous pourriez peut être effectuer 5, 6, voire 7 répétitions sans que la technique ne se détériore davantage, et ne devienne "mauvaise".
Durant ces dernières répétitions, vous auriez pu largement continuer à stimuler le muscle visé sans pour autant ruiner votre exécution. De légères altérations techniques sont donc tout à fait naturelles, et vont apporter un bénéfice supplémentaire en prolongeant le temps sous tension.
Aux conditions suivantes:
- Ne détériorez pas votre technique au delà d'environ 10 / 20%.
- Ne détériorez pas votre technique si vous ne sentez pas le muscle ciblé travailler plus dur.
- Ne détériorez pas votre technique si cela déleste le travail du muscle (exemple: a-coups de jambes au curl, rebond au développé couché, coup de lombaire aux tirages...).
- Ne détériorez JAMAIS votre technique si il s'agit d'un muscle SECURISANT (exemple: arrondir le dos au squat, soulevé de terre, rowing barre, creuser le dos au développé militaire, cambrer excessivement au développé couché, arrondir le dos au curl...).
IV - Le corps est un ensemble:
Il s'agit de l'un des points les plus importants. Tout simplement, votre corps fonctionne comme un ensemble.
La musculation est un sport relativement inverse aux autres, car nous ne cherchons pas à effectuer un geste, mais à contracter nos muscles. Le tennisman qui frappe dans la balle dans un revers ne se demande pas à quel point il va contracter son biceps, le joueur de basket qui saute en l'air pour dunker ne va pas chercher à connaitre l'implication de ses ischios, mollets et quadriceps: ils vont chercher l'efficacité du geste, tout simplement.
Nous, nous cherchons à travailler nos muscles, et notre moyen de le faire est d'utiliser des gestes (le développé couché est un geste, les élavations latérales en sont un etc...). Nous avons donc à faire un travail de décomposition mentale du geste.
Cependant, n'oublions pas que notre corps est fait pour travailler dans son ensemble.
Ce qui explique que les débutants n'arrivent jamais à cibler, voire même ressentir le dos dans leurs entrainements, et ont énormément moins de sensations qu'un athlète expérimenté.
Demandez à quelqu'un de placer son dos pour se mettre au squat: il vous fera des centaines de gestes différents, mais n'y arrivera pas. Il lui faudra des semaines, voire des mois avant de dompter la technique, alors qu'un athlète expérimenté n'aura même plus besoin de s'y concentrer, car il arrive à contrôler ses lombaires aussi sûrement que monsieur lambda sait contracter son biceps.
En cela, la musculation est un phénomène d'apprentissage, de contrôle du corps: chaque jours, nous apprenons à contrôler nos muscles à la perfection.
Pour cette même raison, le corps est construit pour fonctionner comme un ensemble: même avec une technique et une expérience incroyable, il n'est possible de cibler un muscle en particulier au détriment des autres. Nous pouvons juste nous en approcher au mieux.
Par exemple, au curl barre, qui n'est qu'un simple exercice d'isolation consistant à fléchir le coude, il est impossible de ne travailler que son biceps. Tout simplement car le corps est doté d'autres muscles ayant ce même rôle: les 2 chefs qui constituent le biceps, le bracho-radial, le brachial... qui vont aussi intervenir dans le processus.
Le débutant va recruter tous ces muscles au petit bonheur la chance, ce qui va expliquer la difficulté pour certains d'en développer un quand l'autre a pris le dessus. Par exemple: avoir un gros avant bras mais de petits biceps, ou l'inverse.
Les culturistes ou body-builders, eux, repoussent cette limite en arrivant à se concentrer à un stade impossible pour la majorité d'entre nous, afin de réellement recruter le muscle souhaité.
V - Les différents stades vers une technique parfaite:
Sachant que la technique parfaite n'existe pas, il vous faut donc tout d'abord apprendre quand même la technique "académique". En l'apprenant, vous pourrez développer des sensations, évaluer les résultats, et progresser. Une fois que vous aurez maîtrisé un geste, essayez une variante, expérimentez.
D'une part, vous pourrez choquer le muscle et ainsi prolonger vos progrès, mais d'une autre part, vous apprendrez à recruter vos muscles d'une autre manière.
Ainsi, quand vous reviendrez à la forme d'exécution de départ, vous aurez évolué.
Recruter un muscle d'une certaine façon peut réellement changer toute la donne pour un exercice, ce qui explique que parfois nous choisissons de revenir à un exercice abandonné depuis plusieurs mois, et littéralement exploser en terme de performances ou d'apparence physique.
Une fois que la technique a été apprise, il faut donc effectuer un second travail: celui de s'approprier le mouvement.
Tout simplement, il s'agit de "l'esprit dans le muscle", comme le dirais le légendaire Tom Platz: se concentrer sur ce que l'on fait. Il s'agit de faire le mouvement pour recruter le muscle, plutôt que faire le mouvement pour faire le mouvement.
C'est principalement ce qui différencie l'athlète débutant de l'athlète expérimenté: l'un fait ce qu'on lui dit de faire, tandis que l'autre fait parce qu'il sait ce qu'il a à en tirer.
La troisième phase est confondue avec la seconde: quand vous serez en mesure de recruter pleinement vos muscles, vous aurez naturellement envie d'imposer vos propres variations afin de bénéficier d'un recrutement encore meilleur.
L'exemple serait sur la photo illustrant l'article: notre athlète se penche en avant, non pas pour tricher, mais pour optimiser ses sensations et son recrutement musculaire.
Au final, la forme qui s'avère "parfaite" pour un athlète expérimenté s'éloigne bien souvent des canons de la forme académique. Il ne s'agit non pas d'une forme trichée, mais bel et bien d'une forme améliorée.
A vous de jouer !
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